Qui es-tu, Dimitri Seluk ?

Yaya Touré a rencontré Dimitri Seluk à l'occasion de son transfert vers l'Ukraine. L'homme que Yaya désigne comme son "manager" et considère comme "un père", pourrait ne pas se révéler le meilleur des atouts dans le jeu du récupérateur ivoirien.

L'histoire de l'agent qui n'en était pas un

Que Gneri considère Seluk comme son père est compréhensible étant donné qu'il a été son principal soutien lorsque le petit frère du "Roc" évoluait dans le championnat ukrainien, au Metalurg Donetsk (janvier 2003-été 2005). Il est par la suite devenu son conseiller ou, comme Touré le dit lui-même, son "manager".

Mais le fait que Touré utilise le terme "manager" n'est pas anodin. Car Dimitri Seluk qui, depuis l'arrivée du joueur au Barça, n'a eu de cesse d'intervenir dans les médias pour défendre les intérêts de son poulain, n'est pas agent. En dépit des apparences (l'homme paraît être le seul à intervenir dès que le sort ou l'image du joueur est en jeu), la licence de Seluk n'est pas répertoriée dans les registres de la FIFA ; ni au niveau de la fédération ukrainienne, ni de la fédération espagnole, ni d'aucune autre en fait. Ainsi, Dimitri Seluk n'est pas habilité à représenter le joueur auprès des clubs de football professionnels.

Il ressort d'ailleurs que ce "détail administratif" avait failli remettre en cause l'arrivée de Yaya à l'Olympiakos en 2005. En effet, après vérification auprès de la FIFA de la qualité de celui qui se présentait comme le représentant du joueur, les dirigeants de l'Olympiakos avaient fait comprendre à Seluk qu'une régularisation de sa situation s'imposait (Cf les mails ci-dessous). En réalité, aucune régularisation n'a été entreprise par l'Ukrainien. Le transfert a normalement eu lieu lorsqu'est entré en piste le véritable agent de Yaya Touré (vraisemblablement à la demande de Seluk) : Franjo Vranjkovic.

Dans le monde oligopolistique des agents de foot, Vranjkovic pèse lourd. Très lourd. Une étude commandée par l'Union européenne, publiée en 2009, classe sa structure (FirstEleven) parmi les 10 plus importantes. Elle aurait plus de 70 joueurs sous contrat (dont les Ivoiriens Eboué et Tiéné, mais aussi Gaël Clichy, Eden Hazard ou encore Mamadou Niang...) et sa valeur marchande est estimée à plus de 200 millions d'Euros. Le "portefeuille" de cet homme discret est composé majoritairement de joueurs évoluant dans le championnat de France. Pour l'anecdote, il y aurait aussi parmi eux les deux Académiciens "Zito" et "Arunyna". Issus de la Promotion Puskas, la troisième et dernière, il semble que les "gamins" n'aient jusqu'ici pas connu la même destinée que beaucoup de leurs aînés, mais cela montre le goût prononcé de Vranjkovic pour les produits estampillés Jean-Marc Guillou.

Alors quel lien existe-t-il entre le mystérieux agent Serbo-croate et le manager ukrainien ? Difficile à dire. Il semble toutefois que Vranjkovic tolère que Seluk viennent piétiner ses plates-bandes. Une gestion des affaires quotidiennes du joueur par Seluk et des interventions plus ponctuelles de Vranjkovic pour "avaliser" les mouvements du joueur paraît être un schéma crédible. Lors du transfert de Yaya vers Barcelone, Monaco avait déclaré que le joueur ne lui appartenait qu'à hauteur de 50% (sic), l'autre moitié étant à l'époque toujours détenue par Donetsk... Cette hypothèse expliquerait la présence systématique de Seluk, qui est aussi Vice-Président du Metalurg, lors des négociations de transferts.

Attention : cet intermédiaire peut nuire gravement à l'évolution de votre carrière...

A compter de l'arrivée du joueur sur la Costa Brava, plusieurs actes et déclarations se sont révélés maladroits, voire critiquables.

La première (mais grossière) erreur commise par Seluk a été de négocier pour Yaya (à moins que ce ne soit le fait de Vranjkovic ?) une clause prévoyant une prime (apparemment substantielle) s'il prenait part à plus de 60% des matches de la saison. En concurrence avec un séduisant Seydou Keita, il est difficile d'affirmer (ce que n'hésite pas à clâmer Seluk) que cette stipulation est l'unique cause du faible temps de jeu de son protégé (23 matchs dont un grand nombre en tant que remplaçant). Toutefois, on peut quand même questionner l'opportunité d'une pareille clause. Yaya avait-il vraiment besoin d'une pareille clause ? Quel pourcentage était-il prévu qu'il reverse à Seluk ? Bien malin celui qui fournira des éléments de réponse, mais il est clair qu'actuellement, le Barça (dont la dette à court terme s'élève à plus 400 millions d'Euros) se passerait volontiers de verser ce type de bonus.

Au moment de choisir (avec Yaya ?) la nouvelle orientation qu'il était souhaitable de donner à la carrière de son poulain, Seluk a fait le choix du... projet sportif. Yaya Touré serait au passage devenu le joueur le mieux payé d'Angleterre (autour d'1 million d'Euros par mois sans compter les contrats de sponsoring et droits à l'image). Son grand frère Kolo avait déjà défrayé la chronique en devenant l'Ivoirien le mieux payé à son arrivée chez les Sky Blue (environ 550 000 Euros par mois). Record pulvérisé. Le problème est que Yaya "paie" actuellement ce choix financier sur le terrain : à la 4me place après 15 journées, Gneri a retrouvé ses bonnes habitudes en se plaignant (de façon particulièrement véhémente) du manque d'ambition de ses partenaires. Cela valait une intervention de Dimitri Seluk dans les médias. Peut-être Yaya devrait-il ouvrir les yeux et se demander si ce Manchester-là était la bonne option de carrière.

Récemment, la presse ivoirienne s'est faite l'écho d'une nouvelle affaire : Abdoulaye Djiré, mieux connu à Abidjan sous le doux de "Junior", considère avoir fait les frais d'un agent véreux. Son nom : Dimitri Seluk. Lors d'une interview, l'ex-capitaine des Mimos déclare : "Avec Touré Yaya peut-être qu’ils s’entendent bien. C’est tant mieux. Mais avec moi, il n’a pas été honnête. Au lieu de penser à ma carrière, il a plutôt pensé à se remplir les poches". Yaya serait bien inspiré de méditer cette phrase.