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jeudi 3 octobre 2013

Lamouchi n'est ni le problème... ni la solution

Depuis quelques semaines les critiques à l'encontre de Sabri Lamouchi, le sélectionneur des Eléphants, s'accentuent (ou, du moins, sont davantage relayées dans les média ivoiriens). Il semble que les dernières performances de la sélection nationale aient poussé certains observateurs (avec plus ou moins d'arguments d'ailleurs) à prendre pour cible l'ancien international français.

Avouons-le, la Côte d'Ivoire a enchaîné 3 matchs plutôt laborieux : deux buts encaissés en Tanzanie (malgré une victoire 4-2) lors d'un match de qualifications pour le Mondial 2014 ; une lourde défaite face au Mexique (1-4)  en match amical aux Etats-Unis ; enfin, un match sans enjeu - la Côte d'Ivoire étant qualifié pour le tour suivant - face au Maroc au stade Houphouët-Boigny d'Abidjan qui a vu les Eléphants être menés au score et incapables de prendre les trois points devant son public (1-1). Sacrilège.


Que reproche-t-on exactement à Lamouchi ? 

Difficile de le savoir, malheureusement, tant les attaques sont vides de substance. Crier haut et fort que le sélectionneur a tout faux est chose aisée. Identifier avec précision ce qu'il fait mal est plus compliqué. Hormis affirmer que Lamouchi n'a pas le niveau et qu'il est - devenu depuis quelques semaines ? - un incompétent notoire, les quelques entraîneurs et anciens joueurs qui s'expriment dans la presse disent peu de choses. Cela est regrettable. Alors que ces "autorités" pourraient enrichir le football ivoirien de leurs précieux conseils, elles se contentent de clamer que le coach est un incapable. Pourtant, à quelques jours du match aller de qualification contre le Sénégal, la critique se doit d'être constructive.


Bilan 

A première vue, le bilan sportif de Lamouchi est plus que correct. Nommé fin mai 2012 (quelques mois après la finale perdue face à la Zambie) avec pour mission la qualification au Mondial 2014, le Français compte 10 victoires et 4 nuls en 16 rencontres. Après avoir entériné la qualification des Eléphants pour la CAN 2013 en écartant sèchement le Sénégal (tiens donc...), Lamouchi a réalisé un parcours honorable (14 points sur 18 possibles) dans les éliminatoires du Mondial 2014 et qualifié la Côte d'Ivoire pour le troisième et dernier tour. Seule ombre au tableau, la CAN 2013 : un décevant quart de finale perdu face au Nigeria, futur vainqueur.

On a finalement tendance à oublier qu'en 16 mois et autant de matchs joués, les deux seules défaites concédées par le Français l'auront été face à un Nigeria fringant et futur champion d'Afrique, puis face au Mexique avec une sélection A' (pour rappel, Abdulrazak, Mathis Bolly, Bony et Doumbia étaient titulaires) et un côté gauche Boka-Gosso "à la rue".


Alors, pourquoi Lamouchi est-il devenu la cible de critiques à Abidjan ?

Tout d'abord, tous ceux qui suivent les matchs des Eléphants devant leur écran l'ont constaté, le jeu proposé par les joueurs est guère séduisant. C'est indéniable, certes. Mais cela est-il nouveau ? Absolument pas. La génération des "académiciens" (et les autres, ne les oublions pas) n'ont jamais régalé les supporters à la hauteur des qualités individuelles et collectives qu'on leur connaît (ou présume ?). Plusieurs explications reviennent : les joueurs ne s'entraînent pas suffisamment ensemble, ils arrivent en sélection fatigués par leurs matchs en clubs, ils n'ont pas la motivation qu'on est en droit d'exiger de joueurs défendant les couleurs nationales, le terrain est plus petit qu'en Europe et la pelouse de mauvaise qualité, etc... Jean-Marc Guillou, fondateur de l'académie du même nom, a même un temps clamé être la solution au problème du football international ivoirien. Ayant formé la plupart des Eléphants actifs à l'époque, il se pensait en mesure de les diriger au mieux sur le plan collectif. Nous ne le saurons jamais.

Quoiqu'il en soit, aucun entraîneur n'a donné à cette équipe le fond de jeu qu'elle mérite : Zahoui s'en est approché, mais pendant la CAN l'impératif du résultat a fini par avoir raison du collectif. Erickson, lui, ne l'a fait qu' "à moitié" pendant le Mondial sud-africain : si l'articulation entre la défense et le milieu a été quasi parfaite sur les phases défensives, le Suédois avait apparemment fait une croix sur tout animation offensive.

Aucun des observateurs qui s'en prennent aujourd'hui au sélectionneur n'était suffisamment naïf pour penser que cela changerait avec Lamouchi lorsque ce-dernier fut choisi par Sidi Diallo. On ne pourrait donc, sans un brin de malice, voire de malhonnêteté, faire aujourd'hui ce reproche au novice qu'est Lamouchi en matière de sélections nationales et de football ivoirien.




Les Eléphants et leurs piètre défenses 

Les voix qui s'élèvent critiquent ensuite les errements défensifs des Eléphants. La défense n'a jamais été le point fort de la sélection ivoirienne. Du temps de la triplette A. Dindane - Bakayoko - B. Kalou, comme de celle composée de Kader Keita, Drogba et Arouna Koné, la force de la sélection a toujours été offensive. 

Les sélectionneurs successifs ont été incapables de trouver une défense à 4 réellement fiable et de la pérenniser. De plus, les meilleurs éléments sont davantage sur la pente descendante qu'ascendante (Kolo, Zokora, Boka, Gosso...). Lamouchi (et ses successeurs) sont obligés d'intégrer des jeunes joueurs (comme Aurier ou encore Brice Djadjédjé...) et c'est ce que le sélectionneur a fait, notamment contre le Maroc. Des essais de ce type sont nécessaires et ne peuvent être faits que lors de rencontres sans enjeu. Encore une fois, un observateur avisé comprend cela. Qu'il soit inquiet à la fin du match contre le Maroc après avoir vu la prestation de la défense, c'est légitime. Qu'il demande par voie de presse la tête de l'entraîneur, ça n'a pas de sens. Surtout à quelques jours d'un match crucial pour la qualification au Mondial brésilien.

De nombreux techniciens font semblant d'oublier que la génération Drogba-Zokora-Kolo est déclinante et que la relève doit être lancée dans le grand bain le plus vite possible. En 2012, Zahoui a incorporé dans son groupe des joueurs comme Kafumba, Gradel ou encore Bony. Lamouchi doit non seulement continuer dans cette voie, mais surtout aller plus loin en identifiant les futurs titulaires. Cela n'est pas simple. Les supporters peuvent l'oublier. Pas des observateurs, qui se considèrent généralement comme expérimentés et compétents en la matière.

A dix jours du premier match contre le Sénégal, il n'y a lieu d'être ni enthousiaste - peu d'Ivoiriens le sont je crois - ni alarmiste, comme certains. 

En conclusion, je n'ai que trois certitudes : notre sélection est sur le déclin et le renouvellement des cadres s'impose ; le contrat de Zahoui aurait dû être prolongé pour pérenniser la reconstruction de l'équipe ; Lamouchi n'est ni le problème, ni la solution mais s'il ne nous qualifie pas pour le Mondial 2014, personne d'autre ne le fera.

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